Aude Jarabo : AgroImpact diminuer l’impact carbone des agriculteurs et agricultrices.

9 mars 2025

Aude Jarabo : AgroImpact diminuer l’impact carbone des agriculteurs et agricultrices.

Comment réduire l’empreinte carbone de l’agriculture tout en assurant sa viabilité économique ? C’est à cette question complexe que Aude Jarabo, directrice de AgroImpact et son équipe, s’attellent chaque jour. 

Aude est à la fois facilitatrice, stratège et médiatrice, elle crée du lien entre des acteurs aux intérêts souvent divergents : agriculteurs et agricultrices, industriels, distributeurs, groupement de producteurs, chercheurs, ONG, …

Aude Jarabo (©Anaïs Salson)

« L’agriculture ne peut pas y arriver seule. Il faut que toute la chaîne de valeur s’implique. »

De la définition d’objectifs de branche aux solutions concrètes testées sur le terrain, AgroImpact accompagne le secteur agricole dans une transition crédible et mesurable.

Un constat sans appel : les limites du crédit carbone

L’idée de AgroImpact est née d’un constat simple : les outils économiques existants ne suffisent pas à accompagner la transition agricole. Pendant longtemps, les crédits carbone ont été présentés comme une solution pour inciter les exploitations à réduire leurs émissions. Mais dans les faits, ces mécanismes se révèlent souvent inefficaces, opaques et peu adaptés aux réalités du terrain.

« Le seul outil qu’on avait pour encourager la transition agricole, c’était ces fameux crédits carbone… qui sont plus ou moins du bullshit” 

Face à cette impasse, AgroImpact a été conçu pour proposer une alternative plus juste et plus efficace : rémunérer directement les agriculteurs pour leurs efforts de décarbonation, en valorisant les pratiques durables à travers toute la chaîne de production.

« L’agriculteur produit ce qu’on lui achète. Si on veut des produits décarbonés, il faut qu’il soit payé pour les produire. »

En s’appuyant sur des données scientifiques et en impliquant tous les acteurs – des producteurs aux industriels –, AgroImpact veut faire de la décarbonation un levier de transformation économique et non une contrainte supplémentaire.

Rassembler un écosystème pour changer les règles du jeu

Dès ses débuts, AgroImpact se distingue par son approche collaborative. Aude sait que l’agriculture ne peut pas évoluer en silo.

« L’agriculture a longtemps travaillé seule. Mais toute seule, elle n’y arrivera pas. »

Aujourd’hui, 42 membres issus de l’agriculture, de l’industrie agroalimentaire, de la recherche et du monde associatif ont rejoint l’initiative.

« Bien sûr, producteurs et acheteurs ne seront jamais d’accord sur le prix du lait. Mais ici, ils travaillent main dans la main pour la décarbonation. »

AgroImpact devient ainsi un espace où des acteurs qui dialoguent peu habituellement apprennent à construire ensemble.

Sur le terrain : trois actions concrètes pour réduire l’empreinte carbone du lait

Au-delà des discussions stratégiques, AgroImpact se déploie sur le terrain. Nous avons été rendre visite à la ferme Domaine du Pontet SA à Vufflens-la-ville. Sur place, Nicolás Cauda,  conseiller en production animale, nous a expliqué les leviers spécifiques sur lesquels ils travaillent sur cette ferme. Nicolas travaille avec l’association Prometerre, mandatée pour accompagner les agriculteurs et agricultrice à élaborer leur place d’action dans le canton de Vaud. 

1- Stocker du carbone dans les sols en modifiant la façon de cultiver les champs

Traditionnellement, les agriculteurs retournent la terre avec une charrue pour préparer le sol avant de semer (ce qu’on appelle le labour). Mais cette technique libère du carbone stocké dans le sol et peut appauvrir la terre.

La solution proposée est donc de semer directement sous une couche protectrice de paille ou d’herbe (litière), ce qui permet au sol de garder son carbone, d’être plus riche et de mieux retenir l’eau.

2- Remplacer les aliments importés par une alimentation locale pour les vaches

Beaucoup d’exploitations utilisent du soja importé pour nourrir leurs vaches, ce qui pose un problème car sa culture contribue à la déforestation et son transport génère des émissions de CO₂.

Ici, le pari a donc été de choisir de cultiver directement sur place une plante riche en protéines, comme la luzerne, et l’intégrer à l’alimentation des vaches. Cela réduit l’impact environnemental et renforce l’autonomie protéique de la ferme.

3- Optimiser le cycle de reproduction des vaches pour limiter les périodes d’émission de gaz

Pour produire du lait, une vache doit d’abord mettre bas un veau. Mais si la première naissance arrive tard, il y a une longue période où la jeune vache consomme de la nourriture et émet du méthane sans produire de lait. En réduisant légèrement l’âge de la première mise bas (par exemple, de 28 mois à 25 mois) cela permet aux vaches d’être productives plus tôt, ce qui optimise la gestion du troupeau et réduit les émissions de méthane par litre de lait produit.

En combinant ces trois leviers, la ferme Vufflens montre qu’il est possible de produire du lait tout en réduisant son impact environnemental de manière concrète et mesurable.

Dépasser les préjugés pour avancer

Malgré l’engouement, certains freins restent difficiles à lever.

« Les agriculteurs ont des préjugés sur les industriels, les industriels sur les politiciens… »

Pour avancer, Aude mise sur le concret :

« On ne convainc pas avec des grands concepts. Il faut des résultats tangibles. Quand ils voient que le train roule, ils ont envie de monter dedans. »

Ce pragmatisme est l’une des clés du succès de AgroImpact. En apportant des solutions claires et mesurables, l’association permet aux acteurs du secteur de passer de la parole aux actes.

L’avenir : faire de la collaboration un levier de transformation

Si Aude sait que les objectifs climatiques mondiaux seront difficiles à atteindre, elle reste optimiste : « Je vois une génération qui a envie de faire, qui démontre que c’est possible et enviable. »

Son ambition pour les années à venir ? Consolider la dynamique enclenchée, amplifier l’impact et faire de AgroImpact un acteur clé de la transition agricole.

« Ce que j’aimerais qu’on retienne, ce n’est pas une personne qui porte tout ça, mais un travail collectif. »

Et si l’intelligence collective était la clé d’une agriculture plus durable ? Aude et AgroImpact en sont convaincus.

Légende pour les photos : 

  • Nicolas Cauda / Conseiller en production animale, Prometerre
  • Olivier Duperrut / agriculteur 
  • Pascal Duperrut / agriculteur